ça m’énerve

Comme chaque jour que Dieu fait – à part le dimanche où il est censé se reposer mais alors qui fait le dimanche, encore une énigme insoutenable pour l’homme moderne, peut-être qu’ils s’y mettent à plusieurs remarque, peut-être que Mr Drucker fait les dimanches chiants pendant que Mr Citratedebétaïne s’occupe des dimanches à casquette et que ma prostate prépare les dimanches à couette et tout ce beau monde et Mr Drucker aussi se coordonnent grâce à des codes secrets glissés depuis des années à l’insu de la foule impavide dans les pages Turf du Journal du Dimanche et qu’un jour ils feront la grève et qu’on passera directement du shopping compensatoire du samedi à l’éveil mortifère du lundi et là on y sera, travailler plus pour consommer plus, le pied intégral au cul, la rupture d’anévrisme, le AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAHHHHHHHHHHH avec un grand A et

Bon.
On dit qu’on oublie le dimanche, de toute façon le dimanche y’a que le Virgin Megastore et le Hamid Megashopi qui sont ouverts.
Donc, tapotais-je, comme chaque jour ou presque tu vas innocemment acheter qui des chaussettes blanches à rayures tennis, qui le dernier Union avec son classement annuel des meilleurs Relais Chateaux zoophiles des bords de Somme, qui une baguette de pain moulée pas trop cuite non pas celle-là plutôt celle d’à côté non l’autre côté oui voilà et vous pouvez me la couper en deux merci oh finalement une moitié me suffira non pas cette moitié-là l’autre moitié merci. Ainsi, chaque jour, tu es sous la menace d’une caissière qui, en suçotant son Fisherman’s friend rapport qu’hier c’était ris de veau aillé et pipe à la cancoillote, te poserait tout-à-trac cette question extravagante avec l’air le plus naturel du monde:
« J’peux avoir vot’code postal ? »
La première fois, ça surprend, tu saisis pas bien l’intérêt de la chose à part que peut-être elle veut ton adresse et ton corps et ton PEL mais ça va pas être possible pour un miliard de raisons en plus de la cancoillote, alors tu te risques à répondre juste :
« Non. »
Et alors là, la caissière te tance (et te tance tance tance, ce refrain qui te plait) d’un regard ovin digne des meilleures absences de Carole Rousseau et tu sens qu’elle passe en mode automatique comme dans un (attention chute de pléonasmes) mauvais sketch de Laspallès parce qu’elle te repose imperturbablement la même question, faisant fi de ta réponse pourtant limpide :
« Si, y’me faut vot’code postal ! »
Et t’es fait comme un rat vu que c’est elle qui tient en otage le dernier exemplaire d’Union, alors tu lâches ton terrible secret à savoir que oui madame l’inquisitrice, on va jouer cartes sur table, allez on balance tout, la pudeur on s’en fout, vlam, j’me mets à poil, accroche-toi ça décoiffe :
« 18100, j’habite Vierzon. »
En même temps, qu’est-ce que tu viendrais foutre sinon au bar-PMU-presse-tabac-poppers-jantes alu Le Balto de Vierzon un dimanche matin, hein ?
L’expérience recommençant régulièrement par la suite, tu tenteras différentes réponses :
« 123456, oui, j’ai emménagé exprès dans le cul de l’Aveyron pour m’en rappeler facilement, et alors ? »
« 351483773, je sais c’est un peu long mais retournez votre caisse enregistreuse et alors ah ah ah c’te marade »
« Mais t’es d’la police ou quoi, c’t’un monde, parbleu, à moi la foule, Sarko facho, argggghhh !!!!! »
Mais j’te connais, tu finiras par te laisser faire, grosse nouille.
Et bah moi aussi, mais ça m’énerve.